Un réveil difficile

Cinq heures, un réveil sonnait, retentissant à travers tout le petit appartement. Un bruit strident que même ses voisins devaient entendre vu la faible épaisseur des cloisons qui le séparaient de ces derniers. Emerger de ce monde de cauchemars était dur, et cela faisait bien longtemps maintenant que John n’avait pas eu une nuit digne de ce nom, en fait, aussi loin qu’il puisse se souvenir, depuis sa sortie de l’hôpital quatre ans auparavant, pas une seule nuit ne s’était passée sans qu’il fasse un de ces rêves étranges, si prenant, triste et douloureux. Mais l’heure n’était pas à la nostalgie, et si ses troubles du sommeil pouvaient cessés, il n’en serait que plus soulagé, car plus les semaines s’écoulaient, et plus ses crises devenaient fréquentes et violentes. Par chance certains auraient dis, il n'y avait jamais eu de suite, même si pour lui, il s’agissait de la pire catastrophe arrivée dans sa vie, c’est certain que de se retrouver à agresser des personnes dans son sommeil alors que l’on est en pleine période de réintégration n’était pas ce que l’amnésique pouvait faire de mieux.

Il s’extirpa lentement du grand drap blanc qui le recouvrait, ainsi qu'en partie le sol du petit salon ne pouvant être posé l’intégralité du canapé sur lequel John dormait la nuit. Se frottant activement le visage, il mit un long moment pour complètement émerger, et avant que l’amnésique ne s’en rende compte, vingt minutes s’était déjà écoulées alors qu’il somnolait. Ce n’était pas différent de ses habitudes, toujours sur le fil pour se rendre à son travail, le criminel courut dans la cuisine, et prit dans le frigo un reste de pizza de la veille qui allait faire office d’un petit déjeuner assez peu équilibré, mais ayant le mérite de pouvoir être rapidement ingurgité. Il ouvrit la porte de la salle de bain, se donna un coup de gant rapide, et enfila les vêtements soigneusement déposés sur chaise lors de sa dernière visite dans cette pièce. C’est alors qu’il s’arrêta net, l’impression d’avoir oublié quelque chose venant soudainement le tracasser. John porta sa main droite à son menton, et entama une intense réflexion.

*Qu’est-ce que j’ai bien pu oublier … j’ai mes clefs, mon badge.*

Il se rapprocha lentement du canapé qui lui servait aussi bien à regarder la télévision qu’à dormir, leva la tête en direction du plafond, et dans un grand soupir, l’amnésique se laissa tombé sur le côté, sa mémoire défaillante ayant cette fois-ci réussie à se rappeler une chose importante … c’était son jour de congé !

La question qui se posait maintenant était de savoir comment il allait pouvoir s’occuper, le repos était exclus, s’il venait à se retrouver dehors en pleine journée à agresser quelqu’un, cela pourrait s’avérer être bien plus problématique que toutes les autres fois où il avait fait cela la nuit. L’activité la plus enrichissante serait certainement de continuer à chercher des informations sur son passé, même si au fil des années, l’espoir de trouver une quelconque information se faisait de plus en plus mince puisque même après avoir épluché les divers journaux de l’époque de son accident, avoir lancé plusieurs appel à témoin se servant de son visage, personne ne l’avait jamais contacté, même si depuis un certain temps déjà, John avait l’étrange impression d’être observé en permanence.

Son nouveau lieu de recherche de prédilection était ces derniers mois Internet, le seul soucis étant qu’il dut apprendre à s’en servir, ce qui ne fut pas sans être relativement laborieux, lui qui ne se souvenait de rien lié de près ou de loin aux ordinateurs. Il fallait admettre qu’ayant vécu dans une famille pauvre dans sa jeunesse, l’amnésique ne pourrait de toutes façons pas se rappeler des ces machines auxquelles il n’avait jamais été habitué, même par le passé. Sa décision prise, le criminel devait maintenant se rendre dans un cybercafé se trouvant non loin d’où il habitait et qui, installé depuis peu à Red Hook rencontrait un succès pour le moins important. C’est donc sans grande conviction, mais armé d’une disquette avec une photo de lui, et de tout ce qu’il avait appris sur les ordinateurs en tête qu’il se releva, et quitta l’appartement.

John rentrait du cybercafé, il avait mis bien moins de temps qu’il ne le pensait pour passer cette annonce. Son passé, il voulait le connaître puisqu’il semblait être la cause de ses troubles, mais en même temps, une petite appréhension ne pouvait s’empêcher de se faire ressentir. Un doute ? De la peur ? Quoi qu’il en soit, ce sentiment était bien réel, et faisait parti de ce blocage psychologique dont le jeune homme était victime, une sorte de cercle vicieux en somme, sa schizophrénie vivant dans la peur que créait les souvenirs de son passé si violent, cette même peur engendrée par la seul fait de se rapprocher un peu plus de ce qui avait bien pu se passé. Mais il ne pouvait pas laisser les choses continuer ainsi, c’est donc résolu à en savoir plus qu’il faisait de plus en plus de démarche pour retrouver une trace de ce qu’il était avant l’accident. Cet accident, une des clefs du mystère à laquelle il manquait le plus d’explications, pas de nom, pas de lieu précis où s’était déroulé l’évènement, seul une description physique sommaire de la personne l’ayant amené, un homme tout ce qu’il y a de plus banal, certainement impossible à retrouver dans ces conditions … mais pourtant, il s’agissait là d’un des points majeurs sur lesquels il fallait qu’il se concentre.

Après les quelques minutes de marche qui le séparait de son appartement, John était enfin de retour. Il inséra la petite clef dans ce qui faisait office de serrure, le fin cliquetis de cette dernière se déverrouillant se fit entendre l’espace d’un court instant, et ce fut au tour de la lourde porte d’entrée de grincer, et lui laissre libre accès à son lieu d’habitat ces dernières années. Il déposa sa veste sur le canapé, une heure s’était écoulée, la matinée ne faisait que débuter, et l’amnésique n’avait rien de prévu en cette journée de repos, n’ayant pas d’ami, et ne sachant pas s’il avait une famille qui l’attendait encore quelque part. Il décida donc de rester comme d’habitude chez lui, journée télé canapé sans se soucier de ses problèmes quotidiens, juste se reposer et apprécier l’instant présent, quelque chose que le jeune homme avait bien du mal à faire de part la nature chaotique de sa personnalité. Il alla donc s’allonger, les mains croisées derrière la tête en guise d’oreiller et alluma la télévision. Rien de particulier au programme, des séries toutes plus cruches les unes que les autres, ou des informations sur la criminalité et autre génocide aussi bien de son pays que des autres.

*C’est dans des moments pareils que l’on aurait besoin de Kira … mais qu’est ce qui a bien pu lui arriver pour qu’il disparaisse comme ça. Les criminels doivent être punis, et la police ne peut vraiment pas tout gérer*

Ironique, elle l’était cette situation où John parlait des criminels comme de « choses » dont on pouvait disposer. Certainement que si le souvenir de sa vie en prison lui revenait, il en serait amené à revoir son jugement … bien que rien ne soit sûr, puisque même à cette époque, il embrassait déjà la philosophie de Kira. Pour lui, il n’avait jamais été un vulgaire criminel, mais un garant de la justice, ayant supprimé le mal qui rongeait sa mère. S’il venait à se souvenir clairement de tout ça, il envisagerait le choses exactement de la même façon, ce qui était certainement le plus effrayant dans sa personnalité. Les informations continuaient, leur blabla incessant et inintéressant ayant raison au fil des minutes du peu de résistance mis en place par l’amnésique pour ne pas s’endormir, mais après tout, un jour de repos était un jour de repos, et ce, même malgré les risques qu’il encourait à dormir en plein jour. Mais il ne lui fallut qu’un court instant de déconcentration et d’inattention pour succomber à la douce mélodie du sommeil qui le berçait agréablement, lui murmurant des mots doux à l’oreille … non, en fait, cette voix qu’il entendait n’était que le résidu de son esprit embrouillé, présage d’un rêve qui allait à nouveau faire son apparition, avec les aléas que cela comportait.

Un rêve oui, certes toujours aussi flou, mais qui au fil du temps prenant de plus en plus de sens … un bruit lourd, un coup de feu, ça John l’avait bien compris. Qui pouvait bien tirer ce coup de feu ? Lui ? Sûrement, cela expliquerait ses tendances violentes lors de ses crises de schizophrénie. Mais toute la situation entourant cet acte demeurait un grand mystère. Quand ? Qui ? Pourquoi étaient les questions qui résonnaient en permanence dans son esprit. Bien qu’aucune de ces dernières ne trouvaient de réponses satisfaisantes. Ceci, en plus de son identité perdue étaient les principales préoccupations du jeune homme qui était bien déterminé à tout faire pour que la vérité éclate. Mais pour l’heure, cette même vérité commençait à prendre le dessus sur « John Doe », Hato Mickaël refaisait une nouvelle fois lentement surface à travers le subconscient de l’amnésique, s’insinuant, tel un fourbe dans son esprit, reprenant le contrôle de son corps, mais cette entité, cette personnalité incomplète ne pouvait que s’exprimer de la façon qui l’avait conduit à sa fin : le meurtre.

Il rouvrit les yeux, son regard, d’ordinaire si concentré se trouvait maintenant être complètement vide, comme perdu, sans âme. Le jeune homme resta ainsi, le regard rivé sur le plafond de longues minutes sans bouger. Sa respiration haletante s’accéléra de plus en plus, toujours plus rapide, plus bruyante. Ses yeux s’ouvrir d’avantage chaque seconde s’écoulant se teintant d’un rouge sang des plus vifs, et ce n’est qu’au terme d’un long soupir qu’il se redressa et s’assit sur son canapé. John se balançait rapidement, son dos heurtait violemment le sofa qui venait à son tour taper contre le mur, le bruit de chaque choc résonnant à travers les cloisons dans les autres appartements, ce qui n’était pas forcément pour plaire à ses voisins dont la voix de quelques uns d'entre eux commença à s’élever. Il n’avait certainement pas prêté attention à ce détail, mais se leva tout de même, et commença à fouiller chaque recoin du lieu où il vivait, visiblement à la recherche d’une chose précise. L’amnésique insista quelques instants, puis finalement abandonna. Certainement à cause du stress provoqué par sa recherche infructueuse, il porta l’ongle de son pouce droit à sa bouche et commença à le ronger, balayant du regard la petite pièce, la deuxième personnalité ne semblait pas savoir quoi faire, mais décida de se rapprocher de la porte d’entrée.

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