Histoire : Maya Walker est née à la Nouvelle Orléans en Louisiane, un état du sud des Etats-Unis, d’un père militaire américain, James Walker, et d’une mère PDG d’une grande agence de pub, Anna Walker. Elle est la cadette de la famille puisque 7 ans auparavant, James et Anna avaient mis au monde un garçon, Thomas.
Même si la petite blonde ne manqua jamais de rien durant son enfance, dû au milieu très aisé auquel elle appartenait, elle ne connut pas de grands moments de bonheur. Ses parents étaient toujours trop occupés avec leur travail respectif ou à aduler leur « fils chéri », symbole de réussite – mais surtout de masculinité. Pour James Walker, Thomas était l’aîné, son héritier, celui qui perpétuerait son nom et sa lignée, et surtout un garçon qui suivrait sa voie pour protéger son pays. Il était fier de son garçon. Son attitude était par contre très différente envers Maya, puisqu’il semblait éprouver un grand plaisir à la terroriser, à lui crier dessus et à lui donner des claques à la première erreur ou au moindre caprice. Maya vivait dans la peur de son père et cherchait un réconfort inexistant chez sa mère, mais Anna ne faisait que suivre son mari quand elle avait un brin de temps à consacrer à sa famille. Heureusement, Maya trouvait une bonne part de bonheur auprès de sa grand-mère quand elle avait l’occasion d’aller la voir à Lafayette. Ces occasions étaient rares, mais toujours précieuses pour l’enfant. Sa grand-mère lui racontait pleins d’histoires incroyables, lui ‘apprenait’ le Français, la langue de ses ancêtres (Le triangle cadien entourant Lafayette est connu pour avoir regroupé des Français, et c’est une langue toujours parlée là-bas) et elles regardaient les programmes pour enfants ensemble. Malgré ces doux moments, Maya était toujours seule et son frère ne faisait rien pour arranger les choses, traumatisant sa petite sœur dès qu’il en avait l’occasion à l’image de son père.
Photo de Lafayette, chez la grand-mère de Maya Bientôt, Maya, du haut de ses 6 ans, un âge où l’on commence à comprendre le monde qui nous entoure, se trouva vite à désirer évincer son ‘rival’ de frère et redoubla d’efforts à l’école, mais même si elle ‘gagna’ de meilleurs résultats, rien ne changea, ses parents continuaient d’aimer leur garçon… et commencèrent même à complètement ignorer leur fille. Celle-ci était d’ailleurs tant occupée à vouloir plaire à ses parents qu’elle en oubliait les à-côtés agréables de l’école, comme se faire des amis ou apprendre en s’amusant - les autres enfants ne la comprenant pas faisaient alors déjà tout pour l’éviter.
«
Tu n’es qu’un accident pour eux, jeune fille, ne t’épuise pas en vain… » sa nourrice avait l’habitude de dire silencieusement quand elle la couchait, mais Maya ne comprenait pas vraiment ce que cela signifiait.
Puis un événement changea radicalement la vie de Maya : en 1990, la Guerre du Golfe éclata et son père s’en alla en mission en Irak. Même si elle ressentait de la peine de voir son père partir loin et risquer sa vie, elle ne pouvait s’empêcher d’être soulagée. Les choses changèrent peu à peu au fil des semaines, son frère se montrait moins autoritaire et plus proche d’elle, leur mère prenait des congés pour s’occuper d’eux et ils allaient presque tous les week-end à Lafayette.
*
Merci la Guerre * Maya avait honte de ses pensées parfois…
Ces moments furent hélas trop courts, puisqu’une année plus tard, James Walker envoya à sa femme un avis de divorce qui chamboula tout – il avait rencontré une autre femme, militaire aussi, avec qui il voulait poursuivre sa vie, et voulait la garde de son précieux fils. Thomas, en plein début de sa crise d’adolescence, traita sa mère plus bas que terre pour avoir laissé son père partir et décida de suivre son père. Maya n’eut rien à dire, elle était toujours inexistante et condamné à rester avec une mère qui ne voulait plus avoir aucun lien avec tout ce qui concernait son ex-mari. Cette même année, sa grand-mère adorée moura. Ses beaux et longs cheveux blonds perdirent peu à peu de leur éclat mystérieusement, jusqu’à devenir d’un gris-blanc effrayant, cependant, comme sa mère ne lui donnait quasiment plus rien et que Maya préférait mettre son argent de poche de côté et de ne l’utiliser qu’en cas d’extrême urgence, elle ne fit rien pour changer cette tendance ou même essayer de la comprendre Les autres enfants commencèrent alors à la faire exister… en se moquant d’elle.
«
Eh la vieille ! Coucou vieille peau ! Mami va faire son pipi, oublie pas ta couche ! » Les enfants étaient souvent cruels.
Maya ne montrait aucun signe de faiblesse – une habitude qu’elle avait prise avec son père – mais souffrait énormément intérieurement. Elle ne lâcha pourtant pas prise : elle travailla beaucoup, s’occupa seule d’elle-même et trouva le réconfort dont elle avait besoin dans ses livres. Elle trouva même un jour un petit chaton errant, décida de l’adopter – elle ignore toujours si sa mère l’avait remarqué – et lui donna le nom d’Ami.
Les années passèrent difficilement, mais Maya découvrait à présent le plaisir d’être attendue chez elle, de recevoir des caresses de bonheur, de dormir auprès d’une présence aimée. Même si elle souffrait toujours à l’école, elle avait appris à faire avec et les remarques se faisaient plus rares – bien que plus méchantes avec les années. La zone d’ombre à ce « bonheur » était sa mère : celle-ci avait réussi à se dégoter une sorte de gourou prêchant la parole d’un dieu étrange, venu s’installer dans leur maison et cela ne plaisait pas beaucoup à Maya.
Elle avait alors 16 ans quand sa vie allait encore basculer. Même si ses camarades d’école avaient tendance à l’éviter, Maya était quand même devenue une belle jeune fille et des garçons commencèrent à s’intéresser à elle. On l’invita même à une de ces grandes fêtes dans la maison d’une fille très populaire où se mêlent alcool, sexe et musique techno. Décidée à faire un effort, Maya se mit sur son trente et un et laissa une bonne portion de nourriture à son Ami puis sans prévenir les deux êtres étranges qu’étaient sa mère – que faisait-elle ici d’ailleurs, pourquoi ne travaillait-elle pas ? – et son espèce de beau-père, elle partit à la fête de ses camarades. Ce soir-là, il était décidé qu’elle serait la cavalière d’un des ‘dieux’ de l’équipe de football du lycée et Maya était à la fois toute joyeuse – après tout, c’était la première fois qu’on l’invitait à une fête, preuve de son existence, et en plus, elle serait avec un beau garçon -, mais aussi tourmentée *
Pourquoi tout d’un coup ? Pourquoi moi ? Est-ce que les intentions de ses personnes sont vraiment ‘amicales’ ? *. Quand elle arriva devant la maison de Britanny, l’hôtesse de la soirée, son cœur se serra, au point qu’elle du appuyer sa main contre lui. Un mauvais pressentiment ? Mais elle laissa passer car de toute façon, après avoir vécu toute sa vie isolée et terrorisée par les gens, il n’y avait rien d’étonnant à ce qu’elle stresse un peu.
«
Tu es vraiment ravissante ce soir Maya ! »
Kevin, son cavalier, la fit sursauter en se présentant devant elle. Après l’avoir remercié et discuté un peu, ils rentrèrent ensemble dans la maison. La fête battait son plein et l’ambiance était déjà très ‘joyeuse’. Des yeux curieux et demandeurs se posaient sur Maya mais elle évita d’y prêter trop attention. Elle était là pour s’amuser et essayer de changer son image de personne inabordable. Elle sourit, bu, joua au Twister avec les autres. Elle se sentait enfin vivante et admise dans une communauté – même si elle ne pouvait s’empêcher de penser que ce n’était pas le genre de communauté à laquelle elle aspirait appartenir, trouvant les étudiants bien stupides et inconscients de leurs actions. Kevin était aux petits soins avec elle, les autres riaient de bon cœur devant le ‘couple’, Maya étaient aux anges et ne vit pas que l’on versait quelque chose dans son verre. Plus tard, elle se sentit soudain fatiguée et son cavalier l’aida à monter à l’étage pour qu’elle s’allonge quelques minutes. Elle ferma les yeux quelques secondes et quand elle les rouvrit, le couple n’était plus seul : d’autres garçons les avaient rejoint. Elle regarda Kevin et vit sur son visage un sourire terrifiant.
«
Ah Maya ! Depuis le jour où je t’ai invité à cette fête, j’attendais ce moment avec impatience. Tu sais, tu es une sorte d’idole pour nous, hein les mecs ? – hochements de têtes et rires sauvages. Toujours à éviter les autres, à faire ta hautaine, comme si on ne valait rien. Ce sont ces cheveux qui te font penser que tu es plus vieille et plus intelligente que nous ?! » Kevin devenait menaçant. Maya tremblait, cherchait une issue.
«
Ecoutez, c’est une erreur, je n’ai jamais voulu être hautaine ou quoi que ce soit. Je n’ai jamais rien dit. Je n’ai fait de tort à personne je pense… »
«
La ferme ! J’ai toujours voulu me taper une ‘vieille’… et j’en ai une juste sous les yeux. Et vierge en plus je parie puisque tu penses que personne n’est à ta hauteur. Ne t’en fais pas, on va bien s’amuser… tous ensemble » dit Kevin en caressant – ou plutôt tirant – ses cheveux.
Maya était perdu dans un brouillard intérieur. Pourquoi les gens pensaient-ils que si elle ne parlait pas, ça faisait d’elle quelqu’un d’hautain ? Alors que pourtant, c’était bien elle la plus souvent insultée… Les autres garçons se rapprochaient. Les illusions de la jeune fille s’évadaient aussi vite qu’elles étaient apparues, le seul problème étant qu’elle ne sentait presque aucune force dans son corps. Droguée ? Ou peut-être simplement l’alcool. Elle vit une partie de sa vie défiler dans sa tête alors qu’on lui arrachait ses vêtements : la peur de son père, la haine pour son frère si adulé, sa mère qui l’ignorait, les dernières minutes passées en compagnie de ses ‘amis’. Toute sa colère remonta et lui donna la force de se débattre soudainement et de se précipiter vers la fenêtre. Sauter de l’étage ou bien rester en ‘charmante compagnie’, son choix fut rapide, mais Kevin l’attrapa avant son plongeon. Affolée, terrifiée, Maya saisit le coupe papier en forme de poignard qui était sur le bureau à sa droite et le planta dans la main de Kevin. Elle le reprit et sauta. La chute fut douloureuse, mais elle courut tant bien que mal pour fuir cet ‘univers’. Des cris se faisaient entendre dans la maison, des bruits de motos résonnaient. Maya changea de direction et s’enfuit dans la forêt voisine. Elle y resta une bonne partie de la nuit à grelotter et à pleurer puis au petit matin, décida de rentrer chez elle. Heureusement, aucune moto ni véhicule n’attendait devant chez elle, et trouva alors un moment de répit en rentrant dans sa maison. Arrivée dans sa chambre, elle s’allongea sur son lit quelques secondes avant de remarquer un détail étrange : Ami n’était pas venue la saluer. Maya la chercha dans la pièce, mais rien à faire. Pensant craquer une seconde, elle reprit son calme et réfléchit à l’endroit où Ami aurait pu se rendre. Elle fit le tour de la maison et pensa à saluer sa mère et son gourou qui prenaient leur petit déjeuner.
*
De la viande au petit déjeuner, c’est quand même énorme pour commencer la journée. Je pensais qu’il n’aimait pas la viande celui-là ! *
Elle se dirigea vers la cuisine et se servit un jus d’orange. En remettant la brique dans le frigo, elle vit quelque chose de si terrifiant qu’elle hurla. Sa mère et son beau-père arrivèrent en courant, surpris par la jeune fille qui est pourtant si discrète habituellement. Maya était à genoux, la porte du frigo ouverte.
«
Qu’est-ce que… Pourquoi… ? » les larmes réapparaissaient sur le visage de Maya.
«
Que se passe-t-il Maya ? Oh, c’est vrai que la présentation n’est pas des plus appétissantes. George a trouvé une bestiole dans ta chambre et nous avons convenu que cette ‘chose’ était en fait un esprit du diable en le sondant avec les astres. Le seul moyen de purifier ta chambre et nos esprits était de manger ce diable. Ne t’en fais pas, tout ira bien maintenant ! Tu peux venir manger tu sais, tu es bien pâlotte. Remarque, tu l’es toujours… Et ces cheveux… Fais quelque chose, remue-toi ! »
Maya se releva, les yeux sans expression, son corps se déplaçant mécaniquement comme celui d’un robot. Elle s’en alla dans sa chambre et y resta enfermée plusieurs jours. Elle entendit bien parfois des coups de sonnette, des voix familières demander quand elle reviendrait au lycée, mais ne bougea plus. Au bout d’une semaine, elle ressortit de sa chambre complètement changée et sa vision effraya même sa mère. Maya avait coupé ses cheveux à la garçonne, ceux-ci plus que jamais blanc-gris. Sa peau si pâle était renforcée par les vêtements noirs qu’elle portait. Ses yeux étaient inexpressifs, sa bouche ne bougeait plus. Elle salua sa mère d’un hochement de tête et prit son petit déjeuner, tout en posant en même temps un dossier sur la table de salon. Anna écarquilla les yeux en voyant l’admission dans un lycée Londonien.
«
Maya… Tu peux m’expliquer ce que ça veut dire ?!! Qu’est-ce que c’est que cette histoire ?! Tu crois que tu peux partir loin de moi comme ça ? Et tu comptes vivre comment ?! »
La jeune fille ne dit rien et indiqua juste du doigt les mentions ‘internat & bourse’ puis ‘excellente lettre de motivation’ et ‘travail remarquable qui pourrait porter ses fruits et vous faire entrer dans une grande université comme Oxford’. Elle indiqua enfin la partie ‘signature des parents’ et esquissa un sourire. Pour la première fois, sa mère vit pleins de sentiments se succéder dans ce sourire : tristesse, haine, besoin, envie. Anna baissa la tête, elle ne comprenait rien, mais signa le papier et le rendit à sa fille.
Quelques jours après à l’aéroport, Maya salua sa mère qui l’avait accompagné. Cette dernière en peu de temps avait radicalement changé et avait une allure fantomatique. Elle serra Maya contre elle mais ce geste ne fut pas rendu. La jeune fille prit ses valises et partit prendre son avion. Elle entendit malgré tout les dernières paroles de sa mère, ‘je suis désolée’, mais n’y accorda pas d’attention. Elle ne pouvait plus. Elle ne voulait plus.
En Angleterre, ses dernières années de lycée furent excellentes au niveau des notes, et agréables au niveau ‘personnel’ : les Anglais étaient beaucoup moins tatillons que les Américains, et Maya pouvait rester seule dans son coin sans que personne ne vienne troubler son ‘petit monde’. On lui proposa bientôt d’intégrer Oxford et elle choisit de suivre des études de droits car son envie restait malgré tout de défendre les gens qui souffraient… ou peut-être de faire condamner les monstres de la planète, elle hésitait encore ! Elle refusa par contre de vivre encore en internat, la proximité de son entourage étant parfois difficile à gérer, et se trouva une chambre chez des personnes âgées pour pas cher. Elle utilisa aussi ses quelques connaissances en informatique acquises ces dernières années pour se trouver un petit travail en saisie de documents et aide informatique.