En attendant Johnson...

Et voilà. Ivana était de retour dans son bureau de Londres. A peine s'yétait-elle réinstallée qu'elle avait déjà envie de partir. Tant pis... Elle devrait faire avec. Elle jeta un coup d'oeil à Vladimir qui tournait en rond dans son aquarium, à la recherche d'un morceau de truite potentiellement oublié. Ivana soupira et appuya sur une touche de l'interphone intégré à son bureau.

"Tоварищ Boris ? Qu'en est-il de Johnsonovitch ?"

"Impossible de le savoir, мадам. Vous savez, il est comme ça... Je suppose qu'il viendra, mais quand, je ne puis vous le dire."

Ivana soupira de plus belle. Il fallait qu'elle prenne contact avec ce nouveau, même pas Russe, avant de pouvoir continuer... Elle avait l'impression d'être comme Vladimir dans son aquarium, tournant en rond sans rien pouvoir faire... Elle se leva de son fauteuil et se dirigea vers la fenêtre où elle resta un moment à contempler la ville.

Si Vladimir avait été attentif, il aurait entendu Ivana soupirer encore plus fort. Mais le brochet n'était pas vraiment un modèle d'affection et d'attention, aussi se contenta-t-il d'effectuer un nouveau tour d'aquarium tandis que sa propriétaire revenait s'asseoir derrière son lourd bureau, s'allumant une longue cigarette et jouant avec son pistolet.

Un moment passa avant que l'interphone ne sonne à nouveau. Ivana écrasé son actuelle cigarette à côté des cadavres de ses comparses nicotinées puis activa la connection.

"Да, Boris ?"

"Votre invité est arrivé, мадам Stechkina. Je l'ai fait entrer et il devrait arriver dans votre bureau sous peu."

"Спасибо, Boris. Je compte sur vous pour intervenir en cas de problèmes."

Une nouvelle fois, la Russe poussa un soupir, puis fit pivoter son fauteuil de façon à faire face à la porte et attendit.

Des bruits de pas lourds, quelques échanges de mots en russe, et enfin la porte qui s'ouvre, laissant entrer Bill. Vêtu de son manteau, il s'était emmitouflé dans son écharpe, et tenait son chapeau à la main. En entrant, il fit une petite courbette plus provocatrice que polie, et fixa la femme russe. Steak-china, cette garce à qui il devait faire semblant d'obéir. Pfa ! Exécuter ses ordres était certes horripilant, mais néanmoins nécessaire pour ses plans. Bill, à ce moment là, aurait bien aimé avoir son revolver sur lui, juste au cas où. Le chien de garde à la porte était plus gênant qu'autre chose. Enfin bon, voyons ce qu'elle lui voulait.

"Da, tovaritch Stechkina ? Me faire appeler comme ça dans vos bureaux, cela ne vous ressemble pas. De plus, je n'aime pas du tout utiliser mon téléphone portable, vous l'savez bien, camarade. Oh ? dit il en fixant l'aquarium. Votre sushi n'est toujours pas mort ? Quelle belle bête, ma foi. De quoi faire un fameux rouleau de printemps. Enfin bon, nous ne sommes pas là pour parler gastronomie, je pense. Que voulez vous de moi, encore une fois ? Je vous prierais d'être directe, j'ai encore pas mal de dossiers à étudier. "

il faisait les cent pas dans la pièce, et s'arrêta devant l'aquarium du poisson, avant de lui lancer de furieux regards de défi, et tapota doucement la vitre pour énerver le poisson, avant de se retourner brusquement vers la russe.

" Au fait, camarade, j'ai trouvé ceci pour vous. Je crois qu'on appelle ça des feuilles de thé russe. Pas facile, et les prix d'ici sont plutôt chers. En échange, vous pourriez p'tête m'obtenir un permis de port d'arme ? Ce serait mieux si j'avais mon pote avec moi, comprenez ? "

Il s'arrêta, la fixa, et toujours en la regardant se sortit un cigare de son manteau qu'il coupa avec son couteau, et se l'alluma. Il attendit sa réponse en essayent de faire des ronds de fumée qui ressemblaient très bien à de vrais nuages.

Il était là, le prodige. La nouvelle recrue. Le tank à pattes. Stechkina y voyait surtout un intrus, même pas Russe, et sans aucun standing. De plus, il avait l'air d'être une forte tête, il n'y avait qu'à voir son regard pour s'en rendre compte. Le regard de l'imbécile qui vient de se commander une visite de la Tamise avec chaussures en béton. Dommage qu'elle ait besoin de cet homme.

"Tоварищ Johnsonovitch, mon sushi se porte à merveille, merci. Contrairement à vous, il a la chance de pouvoir survivre sous l'eau sans un équipement particulier, si vous voyez ce que je veux dire. Que vous ayiez des dossiers à étudier ou un parent à enterrer, vous n'êtes pas ici pour nous jouer un numéro de cinéma. Rangez vos grands airs et espérez que je ne sois pas trop directe."

Dans l'aquarium, le brochet s'était figé, fixant le doigt de Bill avec un intérêt certain. Il attendait patiemment qu'un petit bout de viande passe à portée, juste au dessus de l'eau ou, mieux, que le morceau de viande vienne à lui. Stechkina, elle, s'alluma une nouvelle cigarette et tourna son fauteuil vers la fenêtre.

"Johnsonovitch, vous êtes un crétin arrogant, mais il semble que j'ai besoin de vous. Avant que je vous explique en quoi vous pourriez m'être utile, sachez que je sais reconnaitre du thé et que ce n'est pas avec de ka verdure qu'on obtient un permis de port d'armes, ici."

La Russe se retourna vers son bureau et appuya sur l'interphone.

"Да ?"

"Boris, quand j'en aurais fini avec ce шотландский, vous vous arrangerez pour lui faire parvenir son arme. Il pourrait en avoir besoin. Le cas échéant, fournissez-en lui une autre."

"Понятый, мадам Stechkina."

Stechkina lacha le bouton de l'interphone et se tourna vers Bill.

"Johnsonovitch, votre permis, vous ne l'aurez pas maintenant. Vous ne l'aurez peut-être même pas. Je ne vais pas mettre en danger cette société en couvrant des gens comme vous, que ce soit clair. Prouvez que vous êtes digne de confiance, que vous êtes efficaces, et que vous avez un égo moins grand que votre gueule, et nous pourrons repartir sur de nouvelles bases."

Elle sortit son pistolet d'un tiroir et l'arma.

"Le cas échéant, je vous prouverai que vous n'êtes pas invincible."

La Russe écrasa sa cigarette dans le cendrier et se tourna à nouveau vers la fenêtre, soupirant à la vue du ciel toujours aussi gris.

"Maintenant, venons-en au fait. Vous êtes à Oxford. Il parait qu'il y aurait un Kira là bas. Enquêtez, trouvez le ou les suspects et éliminez-les. Et bien entendu, faites moi un rapport chaque soir. Je ne vous fait pas confiance, Johnsonovitch, et soyez assuré que j'attends avec impatience l'erreur qui me permettra de vous liquider sans avoir à trouver moi-même une excuse."

C'était ici clairement une erreur que de s'être addressé à la mafia pour l'aider. mais bon, les moyens lui manquaient. Quel dommage que ce soit elle qui soit en charge de lui donenr ses ordres. Quelle poisse, aussi. Mais bon, faire un peu le chien-chien à sa mémère russe devrait faire avancer els choses, même si le glaçon en face de lui ne lui voulait que du bien. Saloperie, si même les humains se mettaient à mordre la main de ceux qui les commandent... Il faudrait accélérer les choses. Stechkina. Cette Russe ne lui déplaisait pas, mais elle risquait tout de même d'être dérangeante, et il faudrait s'en occuper un jour ou l'autre, mais pour l'instant, plutôt se préoccuper de ce qu'elle disait.

Un nouveau Kira ? A Oxford ? Quelle chance. Mais ne comptez pas sur moi pour vous rendre des rapports tout à fait clairs, j'ai besoin de ce cahier. Bonne nouvelle ET mauvaise nouvelle. Il faudra conjuguer le premier projet à cette traque du nouveau Kira. Réjouissances en prévision, je pourrais peut-être fabriquer une Clé avant la date prévue, ce ne peut être que bénéfique. Mais il faudra capturer la jeune fille, et capturer le Kira d'Oxford. Heureusement qu'il avait pu installer ses nouveaux locaux dans les souterrains de l'Université, condamnés pour la plupart, mais une bonne masse reste une bonne clé pour la plupart de ces murs de pierre.

" Comme vous voudrez. Je m'en occupe donc à partir de maintenant. Un rapport tous les soirs, ça risque 'être ennuyeux, mais bon, c'est vous la chef."

Avec un petit rictus, il remit ses gants et se dirigea vers la porte.

" N'oubliez pas, j'aurais peut-être besoin de moyens de liquidation d'objets gênants, comme des petits fouineurs trop curieux. Je dis bien peut-être, je ferai mon possible pour que cela n'arrive pas. Nous ne sommes pas des assasins, après tout ? Dit-il avec un sourire niais non caché.
- toujours est-il que je ferai selon vos ordres, et je peux déjà vous dire que ce kira ne m'échappera pas."

Décidément... Soit le Johnsonovitch était infiniment con, soit il était plein d'une confiance en lui-même injustifiée. Ivana se laissa aller dans son fauteuil en soupirant.

"Johnsonovitch, vous feriez mieux de faire attention à la façon dont vous vous adressez à moi. Je ne suis pas une de ces minables petites racailles que vous avez terrorisées pour vous forger votre réputation. Je n'oublierai donc pas qu'il y aura peut-être du ménage à faire, mais n'oubliez pas vous non plus que le dernier à avoir douté ainsi sur ma mémoire s'est vu offrir un aller simple en enfer..."

La Russe alluma une nouvelle cigarette et jeta un regard haineux au brochet qui avait claqué des dents quand elle avait approché la main du briquet, posé près de l'aquarium. L'animal lui rendit son regard et repartit déchiqueter la sardine morte qui trainait au fond de son territoire, flottant entre deux eaux.

"Je n'ai plus rien à vous dire, Johnsonovitch, et vous savez tout. Vous pouvez disposer. Quant au thé, je ne bois que de la водка."

Quand enfin l'écossais fut sorti de son bureau, Stechkina soupira à nouveau. Pourquoi ce дурак était-il considéré comme un agent par son prédécesseur et ses supérieurs, elle ne pouvait le concevoir. Là seule chose qu'elle voyait en lui, c'était une nuisance grosse comme un фурункул au milieu de la figure. Enfin... La Russe attendit encore une petite demi-heure, jetant un oeil sur quelques papiers, puis, après avoir passé un dernier coup de téléphone, se leva, saisissant son manteau, et sortit.