Le soleil frappait sur le dos nu du jeune homme. Allongé sur le ventre, les yeux rivés sur la fenêtre, il écoutait d’une oreille les sanglots étouffés de Kyoko. Tendant la main, Jun saisit un paquet de cigarettes négligemment posé sur sa table de nuit, et se redressant, il s'assit au séant du lit. Elle ne s’arrêtera donc jamais ? D’un mouvement machinal, il prit une cigarette qu’il porta à ses lèvres, et qu’il alluma d’un revers de main. Qu’elle se taise. Il tira longuement une bouffée de fumée, la main appuyée sur son front. Après quelques secondes de silence, le métisse tourna ses yeux vers elle, posant un regard désabusé sur le creux de ses reins, puis la courbe de ses fesses, pour enfin s’arrêter sur son visage larmoyant.
"Pourquoi tu pleures ?" Demanda-t-il du bout des lèvres, avant de se détourner d’elle.
Il recracha des volutes de fumée, la tête levée vers le plafond. A vrai dire, il n’attendait pas vraiment de réponse. Ce n’était pas sa faute, si elle était arrivée jusqu’ici. Elle ne pouvait s’en prendre qu’à elle-même, après tout. Posant son mégot sur un cendrier en verre, il se leva, avant de s’habiller vaguement d’un sous-vêtement et d’un jean qu’il ne prit même pas la peine de fermer. Entre temps, Kyoko s’était relevée, et s’était mise à genoux, essayant vaguement de cacher sa nudité derrière un coussin qu’elle pressait contre sa poitrine.
"Mais… Mais… C’est parce que… Tu m’as dis que… Tu ne m’aimais pas, Jun-kun !"
Sa phrase était entrecoupée de hoquets à peine dissimulés. Alors c’était ce genre de filles, celles qui pleurent sans aucune pudeur et retenue. Jun poussa un léger soupir, avant de se rasseoir sur le lit. Il écrasa le mégot encore fumant, et se tourna vers Kyoko, qui avait déjà replongé son visage au plus profond du drap. Le métisse se pencha vers elle et la prit délicatement dans ses bras. La jeune fille eut une petite exclamation de surprise, mais elle ne chercha pas à se dégager.
"C’est toi qui m’as posé cette question, et je t’ais répondu sincèrement." Murmura-t-il à son oreille sur un ton confiant. "Mais ça ne veut pas dire pour autant je ne t’apprécie pas. Montre-moi à quel point tu peux être une fille étonnante, et je finirais peut-être par tomber amoureux de toi ?"
Il se détacha d’elle, et, la tenant par les épaules, il lui adressa son plus beau sourire. Kyoko ouvrit grand les yeux, avant de sourire à son tour, et de hocher la tête avec une moue volontaire.
"Tu me demandes de sortir avec toi, alors ?" Ajouta-t-elle de sa petite voix aiguë pleine d'espoir, levant son regard vers le visage du métisse.
Jun, sans se débarrasser de son sourire, secoua la tête et s’extirpa du lit en quelques gestes.
"Je ne peux pas me permettre ça. Si je commence à sortir avec toi sans avoir de sentiments, ça n'est pas très honnête, tu ne penses pas ? Et puis, je pourrais aussi te blesser." Déclara-t-il d’une voix calme, tout en rassemblant les affaires de Kyoko.
Non. Jun ne pensait pas le moindre mot de ce qu’il disait. Il lui tendit ses affaires en l’invitant à se lever.
"Tu peux prendre une douche, si tu veux. Mais tu ne peux pas rester ici trop longtemps, j’ai du travail à faire."
Kyoko hocha vivement la tête, avant de saisir ses vêtements d’une main fébrile. Finalement, cette fille n’était pas aussi stupide qu’elle en avait l’air. Une personne normalement constituée ne s’attendrait pas à ce qu’on lui mente délibérément sans aucune raison apparente. Il était donc normal qu’elle croie les moindres mots sortis de la bouche de Jun.
"Ca ira, ne t'en fais pas, je vais rentrer chez moi ! On se voit demain, hein ? Et rappelle-toi, je n’abandonne pas !"
Aussitôt rhabillée, elle sortit de l’appartement d’un pas sautillant. Sur le pas de la porte, Jun lui adressa un signe de main, et l’observa disparaître dans l’ascenseur. Il se surprit presque à la plaindre d’être tombée sur une personne comme lui. Enfin, encore un coup du destin, n’est-ce pas ?
Ven 26 Jan - 5:35